Des secours dans des conditions extrêmes
« Avec l'équipage du Versoud, on a enchaîné les secours et les rotations dans des conditions apocalyptiques et des ents à plus de 70 km/h. On posait une équipe de secouristes, on allait en chercher une autre, on ramenait du monde... Le tout en gardant toujours un ½il sur les conditions aérologiques, météorologiques et en calculant en permanence la puissance de l'appareil, ce qu'il reste de carburant, le nombre de personnes qu'on va pouvoir embarquer... Hier soir, j'ai terminé un secours avec les deux réservoirs sur la réserve... » De son côté, Franck, qui est le mécanicien et opérateur de bord a travaillé jusqu'à 22 heures pour remettre la machine en état afin qu'elle soit en capacité de voler de nuit ou dès ce matin. C'est ce dernier d'ailleurs qui a retrouvé la trace du miraculé de l'avalanche de la combe des Ramays sous le Taillefer. « Les secouristes nous ont dit de chercher en aval de l'endroit où ils avaient trouvé la première victime. On a suivi la combe et j'ai commencé par voir un gant, puis un bâton et finalement une peau de phoque et des traces de sang. Généralement, c'est mauvais signe... Mais j'ai vu des traces de pas et on a repéré le miraculé. On peut vraiment parler de miracle parce qu'il a dévalé 800 mètres de dénivelé, sauté une barre rocheuse de 60 mètres et qu'il s'en sort très bien. » « Ça fait plaisir ! C'est pour ramener des gens vivants qu'on fait ce boulot. Ça vaut pour les personnes piégées en montagne comme pour les secouristes. Hier, quand on descend chercher le miraculé dans la combe, j'ai les pales à deux mètres de la paroi, des vents tourbillonnants et d'ailleurs, en approche finale, l'appareil s'est "effondré" d'environ un mètre. »
Secours en montagne
"L'avalanche c'est comme une pomme pourrie"
Maxime Escalle (49 ans), est adjudant-chef au PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne) : la montagne ça le connaît. Le gendarme secouriste nous raconte...
Pourquoi êtes-vous entré au PGHM ?
"Pour vivre en montagne, ensuite pour le secours. J'ai toujours vécu en montagne, et je voyais les gendarmes partir. Ça a été un exemple, je me suis dit: «Voilà un métier pour moi». Après, c'est une profession difficile. C'est ma passion et j'ai le luxe d'en vivre".
Quelles sont les spécificités de la région grenobloise ?
"Ici on touche à tous les sports : VTT, canyon, randonnée, ski... c'est une richesse pour le secours".
Et les jeunes, ils sont comment ?
"Ce ne sont pas eux les plus touchés par les accidents graves ou mortels. Ça touche plus les 40/60 ans (NDLR : trois quinquagénaires ont d'ailleurs perdu la vie lors d'une avalanche début décembre). Ils ont une certaine expérience, n'ont jamais eu de problèmes avant, souvent ils partent seuls, sans dire où ils vont. Les jeunes partent souvent entre potes, donc même s'ils n'ont pas la même expérience, il n'y a pas les mêmes conséquences. Les publicités sur le freeride, par contre, c'est dévastateur pour nous. On n'y voit que du bonheur, sans casque, sans protection. Mais c'est un peu comme jouer à la roulette russe".
La roulette russe ?
"Devant la montagne, il faut toujours avoir beaucoup d'humilité. Surtout l'hiver. Moi, plus ça va, plus je me rends compte que je ne maîtrise pas la neige. Si on n'est pas formé, si on est une tête brûlée, sans équipement ou qu'on ne sait pas s'en servir, on joue à la roulette russe avec quatre balles dans le barillet. L'avalanche, c'est comme une pomme pourrie qui va tomber d'un arbre, mais on ne sait pas quand".
Quel est votre pire et meilleur souvenir ?
"C'est un peu spécial parce que ce sont deux évènements dans la même journée. Le matin au Dôme des Ecrins, un jeune a fait une chute de 650 mètres. Alors que nous sortions le sac mortuaire, il s'est relevé. Pendant son rapatriement, un appel nous parvient, un homme est tombé dans une crevasse de huit mètres. Lui ne s'est pas relevé..."
Et puis la douleur et la peine, la mort omniprésente. Le décès des collègues, ceux que l’on n’oubliera jamais : André Chatain et François Albert lors d’un secours au col de la Temple en 1989. Et Pierre Nicollet en 1994, dans la face sud-ouest de la barre des Écrins.
Montagne en été : attention dangers !
Randonnée, escalade, via ferrata...: des activitées prisées mais risquées
La journée médiatique du secours en montagne, organisée mercredi à Choranche dans le Vercors par la préfecture de l’Isère, en collaboration avec les sauveteurs de la CRS des Alpes et du Peloton de gendarmerie de haute montagne de l’Isère, a été l’occasion de rappeler, à l’approche de la saison estivale, combien la montagne pouvait se révéler dangereuse, quelles que soient les disciplines pratiquées et même pour les adeptes les plus expérimentés.
L’occasion également d’évoquer le bilan annuel du secours en montagne, lequel fait état d’une augmentation du nombre d’interventions (664 contre 582) mais une nette diminution du nombre d’accidents mortels.
Certaines activités comme la "Via ferrata" ou la "via corda" ont l'avantage d'être relativement faciles même pour les débutants. Le revers de la médailles c'est qu'en étant accessibles au plus grand nombre, ces disciplines sont aussi la cause de nombreux accidents, pas forcément graves mais dont certains peuvent necessiter l'intervention des secouristes en montagne et de l'hélicoptère de la Sécurité Civile. L'escalade est quand à elle généralement pratiquée par des grimpeurs plus expérimentés.
Mais quelle que soit l'activité qui vous conduira cet été dans les massifs isérois, le mot d'ordre est toujours le même: " la montagne est dangereuse. C'est une réalité qu'on doit toujours avoir en tête. Il faut arrêter de croire que les accidents graves n'arrivent qu'aux débutants ou aux "touristes en tongs" parce que les chiffres démontrent exactement le contraire" affirme un sauveteur du PGHM.
"En montagne savoir renoncer est une preuve de courage !"
Repères: 17 morts cette année
Entre juin 2010 et mai 2011, 17 personnes ont trouvé la mort en Isère en pratiquant une activité sportive de montagne (soit 16 de mons que l'an dernier).
Deux skieurs alpins, dont une fillette de 6 ans sont décédés sur les pistes iséroises (6 l'année dernière). Le nombre de blessés graves d'accidents de ski de piste s'est révélé particulièrement élevé.
Cins randonneurs sont morts (contre 12 l'an dernier) dont deux à la suite d'un d'arrêt cardiaque.
Bien que l'alpinisme soit e moins en moins pratiqué et que le nombre d'interventions soit en baisse, quatre adeptes ont été victimes d'un accident mortel.
Deux avalanches ont, par ailleurs, tué quatre randonneurs à ski et si le vol libre n'a suscité que trente sept interventions de secours, quatre morts sont à déplorer.
Secours en montagne
«Un seul corps de secours en montagne n’aurait pas de sens»
Il y a un an, suite à une nouvelle polémique entre pompiers et gendarmes, le ministre de l’Intérieur chargeait le préfet Jean-Paul Kihl d’une mission sur le secours en montagne. Alors que ce Saint-Cyrien, ancien directeur de cabinet du ministre de l’Outre Mer, vient de prendre ses fonctions de directeur de la Sécurité civile, il nous livre les clés de la nouvelle circulaire que Claude Guéant doit signer ces jours-ci
Quel était l’objectif de cette mission
« J’ai conduit un groupe de travail avec les trois composantes qui agissent légitimement en montagne, Gendarmerie, Police nationale et sapeurs pompiers. Le cabinet du ministre m’avait demandé de chercher les moyens de coordonner l’action des intervenants pour optimiser le secours. J’ai rédigé une circulaire à cet effet. »
Comment expliquez-vous les tensions répétées entre ces acteurs ?
« Historiquement la montagne a évolué ces dernières années avec un volume de personnes à secourir plus grand et sur des périodes plus grandes. Forcément il fallait remettre les choses à plat et utiliser au mieux les possibilités de chacun. »
Les zones de compétences n’étaient pas clairement définies ?
« On ne s’est pas attaché à tronçonner la montagne en différents morceaux pour la partager entre chaque composante. Notre souci était de coordonner l’action des trois. Qui intervient, qui assure le commandement, qui gère l’alerte ? La circulaire préconise d’installer désormais une conférence réunissant les acteurs en place selon le département pour savoir qui fait quoi, sous l’autorité du préfet qui a la responsabilité de décider du commandement. Après, chaque département garde sa propre culture au vu de ses risques. »
Désormais il y aura un seul numéro d’alerte…
« Dans ce domaine on s’était dispersé avec des numéros à dix chiffres pour certains entre gendarmes ou CRS et les pompiers qui avaient toujours le 18. Désormais il y aura un numéro d’appel unique, le numéro européen 112. Cela facilitera la coordination. »
Parmi les points de crispation : le principe d’équipes mixtes pompiers et gendarmes comme en Haute-Savoie.
« En effet. D’autant que ces gens avaient des formations différentes. Aussi nous avons préconisé plutôt l’alternance (N.D.L.R. : c’est le cas entre gendarmes et CRS en Savoie, Isère ou Hautes-Alpes), une semaine sur deux, de manière à ce que chaque service ait l’entière responsabilité d’un secours. »
- Dauphiné Libéré (25 Août 2012)
LA SECURITÉ CIVILE, LE PGHM, LA CRS DES ALPES, ET LES MÉDECINS DU SAMU SE TIENNENT PRÊTS À INTERVENIR EN MONTAGNE À TOUT INSTANTS DEPUIS L'ALTIPORT D'HUEZ, DURANT TOUTE LA SAISON D'ÉTÉ...
À Huez, avec les anges gardiens des cimes
RérrrrrrRémy Fiorillo, pilote d'hélicoptère à la Sécurité Civile: « le plus grand danger pour un pilote ? C'est lui même ! »
« Le plus grand danger pour un pilote ? C’est lui-même ! ». Ce mercredi d’août, assis à son bureau de la base d’Huez, Rémi Fiorillo, pilote d’hélicoptère à la Sécurité civile, évoque son métier avec lucidité. Il y a quelques instants, il a débuté sa permanence avec son collègue mécanicien Ivan Commène, après avoir parcouru en quelques minutes la distance qui sépare le Versoud de l’altiport d’Huez aux commandes de l’un des deux EC 145 affectés au département de l’Isère.
À tout moment, l’appareil et son équipage peuvent être mis à contribution et décoller de ce point géographique central qu’est Huez dans le relief du département. Pour un secours en montagne, mais pas seulement. Pour un accident de la route, un malaise cardiaque dans un village reculé, une évacuation sanitaire d’urgence. Missions avec le PGHM, la CRS des Alpes, missions avec le médecin du Samu -également présent au poste d’Huez-, mission, encore, avec les sapeurs-pompiers. En Isère -particulièrement dans le sud du département-, des centaines de personnes sont ainsi secourues chaque année par les biturbines d’Eurocopter.
Se méfier de soi-même, des petites habitudes
Dans la fraîcheur du hangar, Rémi explique que, pour les équipages de la Sécurité civile rattachés la base du Versoud, il n’y a pas de petit secours : « Quelle que soit la mission, qu’elle se déroule sur une arête, à 3 500 mètres d’altitude, ou sur une route située dans une vallée, c’est bien en milieu montagneux que nous intervenons. Nous nous trouvons donc confrontés en permanence aux risques spécifiques à la montagne ». Une aérologie très particulière et très changeante, des obstacles à foison (lignes électriques, câbles de remontées mécaniques, de Catex…), et des changements extrêmement rapides de météo constituent autant d’éléments à intégrer rapidement et à chaque vol.
Admirés par les autres secouristes qui leur confient volontiers leur vie, ces pilotes d’élite -comme tout le personnel des bases françaises à typicité montagne- savent fort bien qu’un secours anodin peut virer à tout instant à la catastrophe. En hiver par exemple, le phénomène de jour blanc, connu de tous les skieurs, constitue un danger majeur pour les pilotes. Se méfier de soi-même, des petites habitudes qui s’installent et des certitudes. Bref : comme leurs amis secouristes en montagne, les équipages de la Sécurité civile doivent en toutes circonstances garder la tête froide et prendre les bonnes décisions au bon moment. Au-delà de leur compétence purement technique, c’est là leur principal mérite.